Lorsque je discute avec vous, artistes peintres, très rapidement vient la question d’exposer ou vendre vos toiles. Mais voilà, peindre pour soi (créer), ce n’est pas la même chose que de vouloir mettre à nu nos toiles en les exposant, et encore moins que d’en faire le commerce!
Voici une petite analogie (vous savez comme je les aime!) : prenons une de vos amies qui aime jouer de la guitare. Elle joue bien. Elle fait ça pour relaxer, se faire du bien et joue des musiques connues. Vous seriez ravie de l’inviter à dîner en lui disant d’amener sa guitare : vous-même aimez chanter un peu, et qui sait, votre voisin fait peut-être un peu de tam-tam. Autour du feu, ce serait parfait comme moment! Mais commenceriez-vous à lui dire : wow, tu devrais composer tes chansons, les enregistrer, vendre des disques et jouer dans les bars!!! Mmmm, il ne me semble pas, en tout cas, pas tout de suite, c’est certain… alors pourquoi tout le monde dit ça dès que quelqu’une fait une belle toile???
Mystère…
Alors si cette question se pose pour vous, voici un article qui devrait vous aider à y voir plus clair.
Note: afin d’alléger le texte, la forme féminine est employée sans aucune valeur discriminatoire.
Attention, cet article fait partie d’une série de 4 articles, et il est préférable de lire l’article précédent auparavant : quel type d’artiste êtes-vous?
Dans cet article, je vais me consacrer à la question «Quand commencer à exposer ou vendre vos toiles? » suivant le type d’artiste que vous êtes.
Quand êtes-vous prête à exposer ou vendre vos toiles lorsque vous faites de l’art dit « thérapeutique »?
Rappel : l’art thérapeutique fait référence, pour moi, au fait de simplement peindre pour se faire du bien, sans chercher à performer ou à plaire aux autres.
Lorsque vous commencez à ressentir le besoin de sortir de votre atelier, de votre tête, et d’aller à la rencontre des autres grâce à vos toiles, c’est là un signe que vous êtes peut-être prête.
Pourquoi peut-être?
Et bien imaginons un enfant de 5 ans qui apprend à patiner sur la glace. Il est tout fier de tenir sur ses patins et de faire des virages. Va-t-il s’inscrire au prochain match de hockey des 10-15 ans? Non. Car il va se faire malmener, non seulement physiquement, mais aussi émotionnellement. Il risque de tomber, que les autres rient de lui, et finalement, cela risque de le dégoûter du hockey, lui qui était tout fier!
Bien sûr, cela dépendra de son caractère. Un enfant débutant mais buté pourrait au contraire voir cela comme un challenge et dire « Vous allez voir ce que vous allez voir! » Il va s’entraîner encore plus, et chaque samedi, il viendra jouer avec les grands, même s’il ressort avec plein de bleus…
Mais à l’inverse, un enfant qui maîtrise mieux, mais qui est plus fragile émotionnellement risque de ressortir de cette expérience très marqué et de manquer encore plus de confiance en lui.
Donc, lorsque vous peignez pour vous faire du bien, mais que vous pensez à vouloir aller à la rencontre des autres, ce n’est pas parce que vos toiles sont belles que vous êtes forcément prête. Vos toiles sont des bouts de votre histoire, des moments d’émotions, et les exposer pourrait être très fragilisant pour vous.
Comment savoir si c’est le temps pour vous?
Posez-vous plutôt les questions suivantes POUR CHACUNE DES TOILES QUE VOUS PENSEZ EXPOSER :
- Vous devez vous demander comment vous allez réagir si un inconnu s’approche de cette toile et dit «Bouh, que c’est laid?»;
- Concernant cette même toile, comment allez-vous réagir si quelqu’un que vous connaissez vous dit «Oui, c’est pas mal, mais tu as besoin de revoir ta composition/tes couleurs…», bref, commence à vous donner des conseils;
- Comment allez-vous réagir si les toiles préférées des gens sont celles que vous aimez le moins, et vice-versa…
Alors on pourrait croire que seules des critiques négatives peuvent vous faire du mal, mais en fait, les critiques positives aussi, car lorsque tout le monde adore une de vos toiles, vous risquez fort de vouloir en refaire une semblable simplement pour plaire à tout le monde. Vous oubliez votre première raison : vous faire du bien.
En résumé
Lorsque vous peignez seulement pour vous faire du bien, vous devez attendre d’être prête de faire face émotionnellement à la critique avant d’exposer. Il y aura donc des débutantes qui seront prêtes et des avancées qui ne le seront pas forcément, puisque cela dépendra du caractère et de l’histoire de chacune d’entre vous (souvenez-vous de l’histoire du petit garçon qui veut jouer au hockey)..
Le caractère de chacun a beaucoup d’importance.
Et quand commencer à vendre vos toiles?
Et pour la vente, j’ajouterai que vous devez être prête à vous détacher de vos œuvres. Car elles vont vous quitter. Mais surtout pour être sûre de mettre un bon prix, et non un prix lié à votre attachement (lire l’article sur comment fixer le prix de vos toiles).
Ce qui nous amène au deuxième type d’art : l’art commercial.
Quand êtes-vous prête à exposer ou vendre vos toiles lorsque vous faites de l’art commercial?
Vous devez être prête émotionnellement, c’est certain (voir la section précédente sur l’art thérapeutique). Mais il vous faudra aussi vérifier certains éléments importants.
En effet, lorsque l’on veut faire le commerce de quelque chose, on oublie trop souvent l’aspect « marketing ». Faire de belles toiles n’est absolument pas une garantie que vous les vendrez. Il ne suffit pas d’être une bonne créatrice, il faut être aussi une bonne vendeuse! Donc, vous devrez être au courant des modes, de ce qui plaît ou non, des tendances de décoration de maison suivant le style (appartement moderne ou chalet rustique). Et ensuite, glaner des informations sur les bons endroits pour vendre vos toiles (expositions, évènements, galeries, partenariats…), vous informer sur la façon d’interagir avec le public…
Pour beaucoup, c’est le hasard qui donne un coup de main. L’artiste B. n’a jamais fait toutes ces recherches, mais dès sa première expo, elle a vu que ça marchait bien. Alors, elle est contente et continue comme ça. Mais si elle ne fait pas le travail de mieux comprendre pourquoi, elle risque fort de se retrouver dans le cas de Marie ou de Marc (histoires 1 et 2 présentées dans l’article précédent).
Donc, vous devez être prête à vous remonter les manches pour comprendre le marché de l’art commercial, ses protagonistes et ses pièges. Pour ne pas avoir une histoire qui soit simplement un feu de paille!
Quand êtes-vous prête à exposer ou vendre vos toiles lorsque vous faites de l’art «culturel»?
Et bien, il faut réunir les critères déjà cités précédemment : être prête émotionnellement, et avoir suffisamment de détachement vis à vis de vos toiles. Mais en plus, il faut ajouter les éléments suivants :
- Avoir fait suffisamment de travail d’introspection pour relier votre pratique artistique à une démarche profonde de sens;
- Lier votre démarche à une réalité socio-culturelle = en lien avec un groupe d’humain plus ou moins grand, et sa (ou ses) culture(s);
- Être capable d’articuler tout cela de façon claire et concise.
C’est ce que je me suis efforcé de faire il y a quelques années, et je peux vous assurer que c’est loin d’être simple! Cela n’a pas donner de résultat tangibles (pas de bourses et très peu d’expositions) mais cela fut gratifiant par contre. Car d’un point de vue personnel, j’ai grandis bien plus dans cette démarche professionnelle que dans tout autre démarche.

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Alors certains des Grands Maîtres que l’on connaît n’ont pas forcément réuni ces critères. Ce sont les historiens de l’art qui ont souvent fait ce travail à leur place. Mais nous, artistes bien vivants, si nous souhaitons jouer ce jeu là (art «culturel»), il est de notre devoir d’aller plus loin. La simple idée énoncée comme telle « Je peins des émotions qui dansent en moi et je l’exprime en couleurs avec des gestes amples et de la texture organique » n’est pas suffisante.
Le statut d’artiste professionnelle (au Québec)
Creusons un peu plus ce terme, souvent mal interprété.
Dans un autre article (Démarche artistique, CV, bio: comment faire son dossier d’artiste), je vous citais l’extrait de loi qui définissait le statut officiel de l’artiste professionnel. Le voici en rappel:
Source : (http://legisquebec.gouv.qc.ca/fr/ShowDoc/cs/S-32.01)
chapitre S-32.01
LOI SUR LE STATUT PROFESSIONNEL DES ARTISTES DES ARTS VISUELS, DES MÉTIERS D’ART ET DE LA LITTÉRATURE ET SUR LEURS CONTRATS AVEC LES DIFFUSEURS
SECTION I
STATUT D’ARTISTE PROFESSIONNEL
7. A le statut d’artiste professionnel, le créateur du domaine des arts visuels, des métiers d’art ou de la littérature qui satisfait aux conditions suivantes:
1° il se déclare artiste professionnel;
2° il crée des oeuvres pour son propre compte;
3° ses oeuvres sont exposées, produites, publiées, représentées en public ou mises en marché par un diffuseur;
4° il a reçu de ses pairs des témoignages de reconnaissance comme professionnel, par une mention d’honneur, une récompense, un prix, une bourse, une nomination à un jury, la sélection à un salon ou tout autre moyen de même nature.
1988, c. 69, a. 7.
8. L’artiste qui est membre à titre professionnel d’une association reconnue ou faisant partie d’un regroupement reconnu en application de l’article 10, est présumé artiste professionnel.
1988, c. 69, a. 8.
9. L’artiste professionnel a la liberté d’adhérer à une association, de participer à la formation d’une telle association, à ses activités et à son administration.
-Fin de l’extrait de loi-
Alors maintenant, voici comment cela se traduit dans le monde réel :
- Dans les musées ou les centres d’exposition reconnus, on retrouve des artistes professionnelles.
- On retrouve aussi dans cette catégorie certaines artistes « commerciales » qui ont fait un bout de chemin. Elles ont une démarche claire et un CV prouvant que leur pratique artistique n’est pas juste un passe-temps. Ce sont souvent des artistes professionnelles également.
- Celles et ceux qui surfent sur une vague de mode sont souvent considérées comme des artistes «en voie de professionnalisation». En attendant de voir si elles restent dans la durée, lorsque la mode passera. Sauf si bien sûr elles arrivent à entrer au sein de galeries de renom ou gagner des prix. Pas par tirage au sort, on s’entend….
- Les artistes qui peignent principalement pour se faire du bien, mais qui n’ont pas forcément de démarche ancrée dans un contexte socio-culturel ni qui ne répondent à une mode commerciale sont souvent considérées comme « de la relève » ou « amateurs »;
- Une artiste, pour être reconnue comme officiellement professionnelle, n’a pas besoin de vivre entièrement de son art. Il vous suffit de faire la démarche de vouloir en vivre, ou simplement de vouloir vendre vos toiles (et de répondre aux critères énoncés dans l’article de loi). D’où l’inutilité totale de la fameuse question «Vivez-vous de votre art?». En fait, la totalité des artistes considérées comme professionnelles que je connais ont un emploi à temps plein à côté.
Quelle est la valeur de ces termes?
Seul le terme « artiste professionnelle » a une définition officielle. Et encore, comme la définition est vague, il n’y a pas de « police ». Personnellement, je préfère la définition suivante, plus simple: une artiste professionnelle et une artiste qui vise à partager ses œuvres (créations originales) avec le public contre rétribution, et ayant un plan de carrière artistique. Autrement dit, ce n’est pas juste un passe-temps et l’artiste développe des compétences en marketing, partenariat ou demande de bourses etc…
Les autres termes sont des mots ou expressions utilisés un peu comme on veut. Chaque organisation peut lui donner sa propre définition, renseignez-vous avant. D’ailleurs, beaucoup d’organisations utilisent également le terme « artiste professionnel » dans un sens différent du sens « officiel » (certes assez vague, comme on l’a vu).
Être prête, pourquoi ça compte tellement?
Comme je ne cesse de le répéter, l’art et le marché de l’art sont deux choses distinctes. Le marché de l’art a une forte proportion à dégoûter, décourager voire détruire certaines fibres artistiques chez certaines personnes.
Alors pour être sûre de ne pas vous retrouver dans cette fâcheuse situation, relisez attentivement les points que je viens d’énoncer. Cela vous permettra de faire un choix plus éclairé pour la suite de votre aventure artistique: restera-t-elle une aventure personnelle, ou deviendra-t-elle publique?
Les différentes carrières artistiques qui existent, et laquelle choisir?
L’intérêt de l’art thérapeutique réside dans la réalisation de soi. Pour l’art commercial, l’intérêt principal est bien sûr lié au fait de vivre de son art. Concernant l’art culturel, cette voie est une voie très gratifiante du point de vue personnel et social: l’artiste fait alors partie d’un tout, sans avoir à faire des compromis sur son oeuvre.
Nous avons vu dans cet article comment vérifier si vous êtes prête à exposer ou vendre vos toiles. Tout cela suivant le type d’art que vous faites. Nous allons voir dans le prochain article quelles sont les différentes carrières artistiques qui existent. Car faire un art et choisir une carrière, ce n’est pas pareil. Et cela commencera à vous donner une meilleure idée de la direction à prendre >>> cliquez ici pour l’article #3: les différentes carrières artistiques.
Alors d’ici le prochain article, osez devenir l’artiste en vous! Et n’oubliez pas de vous inscrire sur ma liste d’envoi. Vous recevrez des notifications dans votre boîte mail quand je publie un nouvel article de blog :).
Bonne peinture à toutes et à tous…
À bientôt!
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