Trouver un titre à sa toile

Lorsque l’on finit une toile se pose souvent la question du titre : doit-on en mettre un, que l’on expose ou non, et quel titre choisir?

Je vais répondre au mieux à ces questions dans cet article.

Pourquoi mettre un titre?

Plusieurs raisons peuvent nous pousser à mettre un titre.

1. Se souvenir de votre état d’esprit

Lorsque l’on peint une toile, l’on est dans un certain état d’esprit, et le titre peut nous permettre de retrouver cet état d’esprit, ou de s’en souvenir, tout simplement.

• Déprimée, découragée, fatiguée, triste, mélancolique;
• Joyeuse, enjouée, ravie, amoureuse, heureuse;
• Surprise, décontenancée, déboussolée, interrogative;
• Joueuse, taquine, secrète;
• Contemplative, admirative, pensive, philosophe;
• …

Si vous souhaitez garder une trace de ce votre émotion, le titre est une bonne façon de faire un petit rappel de cette énergie présente lorsque vous avez peint.

2. Garder une trace du moment ou de l’endroit

Parfois, le titre vous permettra également de vous souvenir d’un moment précis. Par exemple une fête, une date précieuse, un évènement particulier, une saison. Mais cela peut aussi être un endroit: le pont suspendu de tel village, l’église de tel quartier, le banc de tel parc, la forêt de telle région…

Le titre devient alors la mémoire de ce moment ou de cet endroit.

3. Raconter une histoire, mettre de l’émotion

Dans ce cas là, le titre va alors un peu plus loin et nous permet de connecter avec l’observatrice : on la fait entrer dans notre tête pour qu’elle connaisse l’arrière-scène de notre toile. C’est comme une porte vers notre univers. Cela permet de « communiquer ».

Voici le témoignage d’Angela, artiste peintre qui nous explique une belle anecdote pour illustrer cela :

« Au cours d’une expo une personne m’a dit «J’ai aimé tous les tableaux sauf celui-là, mais quand j’ai vu le titre, j’ai changé d’avis». Cela m’a interpellé : le titre lui a fait voir le tableau avec un autre œil. »

Martine, artiste peintre, partage aussi un moment relationnel intéressant :

« Une personne, en voyant un de mes tableaux et son titre, a compris la relation qu’il y avait entre les deux et a engagé une conversation philosophique à partir de mon tableau et de son titre ; c’était très intéressant comme expérience du point de vue relationnel. »

4. Mettre un titre pour mettre un titre

Au début, je mettais un titre simplement parce qu’il fallait le faire. Je n’avais pas d’intention particulière. Et avec le recul, je me rends compte que mes titres étaient franchement inutiles! Autant écrire « Sans titre » (nous verrons plus bas qu’il peut parfois être intéressant de ne pas mettre de titre).

Puis, après une visite de galerie où l’artiste avait mis des titres poétiques, je me suis dit qu’il fallait que je m’améliore. Alors j’ai commencé à mettre un peu plus de temps dans mes titres. Et aujourd’hui, je considère que cela fait partie intégrante de mon processus créatif.

Attention, je ne dis pas que tout le monde doit faire comme moi! Nous avons toutes notre personnalité et nos processus de création, et il faut se respecter là-dedans.

Voici un exemple parfait: deux toiles de chouettes rayées issues de mes collections précédentes, deux titres différents.

Si le titre « La Chouette Rayée » est très « vrai », il n’amène rien de supplémentaire, et finalement, n’a qu’une valeur purement descriptive. Voici d’autres exemples de titres que j’aurai pu lui donner et qui ajoutent tous une valeur différente à la toile :

• La Voyageuse;
• L’Invitée surprise;
• Rien qu’un signe, et je partirai avec toi;
• Calme et sereine;
• Un jour, c’était la nuit…

Bref, la liste peut s’allonger rapidement.

Ne pas mettre de titre, est-ce possible?

Tout à fait. Celles qui me connaissent sauront que je dis tout le temps : tout est possible en peinture! La vraie question, c’est quelle est votre intention. Si votre intention est purement du type « archive », seul un numéro et une date pourront suffire. Si vous souhaitez mettre de l’émotion, ou bien raconter une histoire, il sera préférable de choisir un titre. Mais voici trois cas où ne pas mettre de titre peut également être intéressant.

1. La peinture intuitive

Ce type de peinture est de plus en plus courante. Le principe est de peindre sans s’attacher au résultat et de laisser le subconscient (ou l’inconscient, je ne sais jamais) s’exprimer librement. Ne pas mettre de titre peut permettre de laisser la liberté à l’observatrice d’y voir ce qu’elle peut/veut y voir. Dans ce cas là, demander à l’observatrice ce qu’elle voit peut être très intéressant pour échanger ensuite!

2. La peinture « conceptuelle » avec signes et symboles

C’est une peinture très « intellectuelle ». Il y a des messages, des codes, des éléments surréalistes. Et cela peut parfois être très intéressant, là encore, de laisser libre cours à l’imagination de l’observatrice pour analyser la toile comme elle l’entend. Finalement, c’est comme si le titre était suggéré par les signes et symboles utilisés par l’artiste. Attention, je ne dis pas qu’il ne faut jamais qu’il n’y ait de titre, au contraire! Parfois, ce type de toiles ont besoin d’un titre. Je dis simplement que l’expérience du «Sans titre» peut être intéressante pour un observateur dans ce cas là.

3. Les séries

Si vous travaillez par série, et surtout si vous êtes très productive, il se peut que seul le titre de la série suffise. Ce titre sera évocateur pour toutes vos toiles classées dans cette série, et vous ne seriez alors pas obligée d’en trouver un pour chacune.

J’aurai pu faire ce choix pour ma série « Contemplation », mais j’ai tout de même préféré leur trouver un titre à toutes.

Je me promène dans le bois, à la rencontre de moi-même – Acrylique sur toile -24x24pouces – @LiliFlore, série « Contemplation »

Quelques questions spécifiques concernant le titre d’une toile

1. À quel moment faut-il mettre un titre à une toile?

L’une de mes lectrices demande : « Est-il préférable de penser au thème du projet avant ou après ? Si on y pense avant, est-ce que ce sera plus facile de donner un titre? Ou est-il mieux de laisser dormir le projet fini sur un  mur ou un chevalet pendant quelques jours pour mieux voir de quoi ça parle? »

Il n’y a pas de bonne ou de mauvaise réponse à cette question. Parfois, vous avez vécu quelque chose de particulier et cela vous donne le goût de peindre une toile qui a déjà son titre. Par exemple, après un voyage, vous pourriez vous dire : je vais appeler ma prochaine toile « Été 2018 » et il y aura la plage et les sapins du parc… où je suis allée.

Mais souvent, je dirai que le titre apparaît plutôt soit pendant que l’on peint, soit après. Personnellement, le « après » peut être 10 minutes après, ou bien des semaines après…

Laisser « dormir » le projet peut en effet être une bonne façon. Parfois, je le retourne pour ne pas le voir, puis quand je le regarde à nouveau, c’est avec un œil neuf et il m’est plus facile de trouver le titre.

2. Mettre un titre à une toile abstraite?

Quelqu’un me faisait remarquer que mettre un titre à une toile abstraite était plus difficile. Je dirai oui et non.

Oui c’est plus difficile car nous n’avons aucun référentiel à la réalité, et donc que nous n’avons aucune « piste » pour nous aider à trouver le bon titre.

Mais non, ce n’est pas plus difficile, même au contraire, car nous avons toute la liberté du monde pour intituler notre toile! Rien ne nous « contraint » à quoi que ce soit dans une toile abstraite! Si je prends un beau paysage d’hiver et que je l’intitule « Les joies de la plage au soleil dans le sud… »… ça risque de faire bizarre (ou bien, de faire rire, ce qui peut être intéressant, on le verra plus bas). Alors que pour une toile abstraite, on a toutes les libertés!

Il faut juste apprendre à mieux se concentrer sur notre intention, notre « pourquoi je veux mettre un titre » afin de trouver le bon titre.

3. Demander des idées de titre aux autres?

Claudette, artiste peintre, nous dit :
« Lorsque je termine une toile, je demande parfois à quelqu’un d’autre quel titre il donnerait, sauf que cette personne n’a pas fait la toile, donc ne sait pas comment je me sentais lorsque je l’ai créée. »

En effet, cela n’est pas toujours une bonne idée. La personne n’a pas fait partie du processus créatif, alors ce ne sera pas la même chose. Par contre, si vous êtes bloquée et que cette personne a une sensibilité proche de la votre, il se peut qu’elle trouve le titre parfait que vous cherchiez mais que votre cerveau n’arrivait pas à trouver!

Cela m’est arrivée deux fois.

Apy – acrylique sur toile – 12x36pouces – disponible

Pour cette belle éléphante :

Le mot qui me venait en tête, c’était le mot « Happy » en anglais. Mais je ne mettais jamais de titre en anglais. Et je ne voulais pas. J’en parle à mon amie Cathy au téléphone, et elle me dit « C’est cool comme prénom »… car je n’avais pas prononcé le « h ». Je trouve l’idée géniale, et j’appelle ma toile « Apy ».

Pour ma dernière toile (en date de l’écriture de cet article):

Je cherchais depuis plusieurs jours. Et mon chéri Bruno est venu s’installer devant pour la contempler, et sans même que je lui demande s’il avait une idée, il dit « L’Odyssée ». Et là, je le regarde, et je lui dis « Merci!!! C’est exactement cela que je cherchais en vain!!! ».

L’Odyssée – 40x76po – @LiliFlore

Donc, j’aurai tendance à dire : ne demandez aux autres que si vous êtes bloquée, et apprenez à écouter les réponses qui résonnent avec votre sensibilité. Ne prenez pas n’importe quel « beau titre ».

Les différents types de titres

1. Titre descriptif

Certains sont sans intérêt d’après moi (l’exemple de la chouette plus haut). On retrouve beaucoup de toiles dans ce cas. On s’approche, on lit le titre, puis on s’éloigne en se disant que ça ne sert à rien de regarder le titre.

Mais certains vont apporter de la valeur ajoutée. Soit à l’artiste, soit pour l’observatrice.

Exemple : Au bord du lac Rond de Sainte-Adèle.

Au bord du Lac Rond de Ste Adèle – Acrylique sur toile – 12x16pouces – @LiliFlore

En général, on commence par utiliser cette catégorie de titre avant de passer à la suivante.

2. Titre poétique/lyrique/émotif

Ce genre de tire permet de faire passer plus d’informations entre l’artiste (et son processus), et l’observatrice. Toutefois, ils ne sont pas évidents à trouver. Le bon truc, c’est d’écrire tout ce qui vous passe par la tête sur un bout de papier et ensuite de sélectionner quelques mots qui vous intéressent. Aller lire les titres d’autres artistes peut également vous aider à trouver des idées.

Il faut parfois se perdre pour mieux se retrouver – acrylique sur toile -20x20pouces – ©LiliFlore

3. Titre conceptuel/humoristique/philosophique :

Ce type de titre permet de « lire » la toile d’une autre façon. Une même image, avec des titres différents, peut être interpréter complètement différemment!

Ghislaine – acrylique sur toile – @LiliFlore

Voici une de mes toiles que j’aurai pu intituler : « Jour de pêche ». Mais la voilà qui s’appelle « Ghislaine ». J’aurais aussi pu l’appeler « À table! ».

Pourquoi ce titre, et bien simplement car je l’ai peinte à une période où je ne fais JAMAIS d’animaux. Mais elle est arrivée, comme ça, sans aucun rapport avec le reste. J’avais alors le goût d’un titre atypique par rapport au reste de ma collection.

Un exemple plus connu : « Ceci n’est pas une pipe » de Magritte (je n’ai pas trouvé d’image libre de droit à partager ici).

4. Sans titre

On a déjà parlé un peu de cette situation. Voilà comment je résumerai :

• Si c’est intentionnel de ne pas mettre de titre, cela est un titre en soi;
• Si c’est simplement que vous n’avez pas d’idées, relisez cet article et faites des essais d’écriture en nommant votre intention artistique;
• Mais si c’est simplement parce que vous n’avez pas envie, vous avez le droit aussi bien sûr!

Rappelez-vous : tout est possible en peinture…

Le bon point de ne pas mettre de titre, c’est que cela laisse toute la liberté d’interprétation à l’observatrice.

Exercice pour s’entraîner à nommer vos toiles

Choisissez une de vos toiles, et essayez de trouver cinq titres différents :

1. un descriptif (sans valeur ajoutée);
2. un descriptif (avec valeur ajoutée);
3. un poétique/lyrique ou émotif;
4. un conceptuel ou philosophique;
5. un humoristique.

Alors oui, cela ne sera pas facile. Déjà que mettre un seul titre c’est dur, alors cinq! Mais faire l’exercice une bonne fois vous permettra de bien voir la valeur du titre, et vous aidera ensuite à trouver plus facilement les prochains.

Et voilà, je crois avoir fait le tour de la question. Là encore, il n’y a pas de recette magique: il vous faudra vous entraîner, et à force, ça viendra de plus en plus naturellement!

N’hésitez pas à partager vos témoignages sur le sujet, ou à poser vos questions, dans la zone des commentaires ci-dessous!

Bonne écriture 🙂

Et à bientôt!

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