Note: afin d’alléger le texte, la forme féminine est employée sans aucune valeur discriminatoire.
Avant de vous répondre, je rappellerai ma conception de tout apprentissage : la théorie est importante, mais elle ne vaut rien sans la pratique. À mon avis, il ne faut pas en faire une obsession ou essayer de tout apprendre par coeur. Je crois fermement (et d’expérience) que c’est avec la pratique qu’il faut intégrer la théorie des couleurs. Tout comme une joueuse de tennis va s’entraîner régulièrement contre un mur pour parfaire un mouvement, et non se limiter à regarder des vidéos pour apprendre ce même mouvement. Cette joueuse de tennis va s’améliorer et maîtriser son mouvement jusqu’à ce qu’un jour, elle n’y pense même plus et que cela devienne un réflexe. Alors à ce moment, son jeu sera plus fluide, intuitif et à la fois très maîtrisé techniquement. Car une bonne joueuse de tennis doit être une bonne technicienne ET faire confiance à son intuition. Idem pour l’artiste peintre.
Alors à la question « Est-il important de maîtriser la théorie des couleurs pour peindre? », je répondrai, (comme à mon habitude), oui et non. Commençons par le « oui ».
Pourquoi est-il important de connaître la théorie des couleurs?
Dernièrement, une de mes étudiantes a produit un exemple parfait pour vous illustrer cette réponse.
Voici ce qui s’est passé :
Une de mes étudiantes avait préparé son fond avec un beau vert pomme. Car il y allait avoir une forêt en arrière plan. Un des personnages en premier plan devait avoir une veste d’un gris neutre. L’étudiante prépare donc un beau gris-neutre sur sa palette et l’applique au bon endroit. Et là, elle me demande de l’aide car son gris est légèrement teinté de mauve sur sa toile. Elle ne comprend pas, car sur sa palette, il est parfaitement neutre! La théorie des couleurs entre en scène et nous permet de comprendre la chose suivante:
1- Tout d’abord, il faut savoir que lorsque l’on fixe une couleur, notre œil « garde » la couleur complémentaire en mémoire.
2- Donc, dans ce cas là, la couleur complémentaire du fond vert, c’est le rouge (théorie des couleurs). L’oeil se promène alors sur la toile remplie de vert, et « imprime » le rouge dans le cerveau. Et lorsque l’on regarde le gris, ce gris est vu à travers ce léger voile rouge présent dans notre oeil ce qui donne cette impression de gris-mauve.
J’explique donc à mon élève qu’elle doit d’abord mettre ses « bonnes » couleurs de base sur toute sa surface, histoire que l’oeil ait la « bonne » perception des couleurs et non une perception erronée à cause du vert qui est partout! Ensuite, elle pourra faire ses ajustements en fonction de la juste perception des couleurs, sans que son oeil ajoute la couleur complémentaire…
Ce que nous montre cet exemple, c’est que lorsque l’on connaît un peu la théorie des couleurs, cela nous aide à résoudre des problèmes que l’on rencontre lorsque l’on peint. Mais voilà, l’erreur est de vouloir apprendre sur votre toile directement. Si on reprend une autre analogie sportive que j’affectionne beaucoup : un coureur de marathon ne va pas s’entraîner en courant un marathon par semaine! Mais plutôt en s’entraîner à coup de 5, 10 ou 15 km par semaine suivant son niveau.
Exercice avec du bleu et du orange – @LiliFlore, reproduction interdite
Je vous encourage donc à vous familiariser avec la théorie des couleurs à travers des exercices, des entraînements, et non directement sur votre toile. Comme notre joueuse de tennis ou notre coureur de marathon.
Quelles sont les notions liées à la théorie des couleurs?
Vous l’aurez compris, je ne vais pas vous expliquer de A à Z la théorie des couleurs dans cet article : j’ai monté une formation de 10 semaines pour expliquer tout cela, alors ce n’est pas avec un article d’une page que je pourrai en faire le tour complet (pour voir la présentation de la formation, cliquez là)! Mon but ici est donc plutôt de vous aider à en voir l’intérêt, et à comprendre quelle est la meilleure façon d’utiliser ces connaissances pour vous améliorer en peinture.
Voici tout de même une énumération des notions les plus importantes :
- la synthèse des couleurs : additive (lumière) et soustractive (matière, dont la peinture);
- les couleurs primaires en peinture : les pigments;
- les couleurs secondaires et tertiaires : comment les fabriquer soi-même;
- les composantes de la couleur : valeurs, teinte, saturation;
- les couleurs complémentaires et leur utilité;
- les gris chromatiques et achromatiques et leur utilité.
Si vous aimeriez aller plus loin dans ces connaissances purement théoriques, je vous invite à lire l’excellent article de Canva-France sur le sujet: https://www.canva.com/fr_fr/decouvrir/couleur-primaire/. Ce n’est pas un blog de peinture, mais plutôt de design, et leur article couvre tous les aspects théoriques concernant cette fameuse théorie des couleurs. Non seulement il est très complet, mais il vous donnera aussi l’occasion d’expérimenter des outils très intéressants lorsqu’il s’agit des couleurs complémentaires (outils en ligne et gratuits). Vous pourrez jouer avec les couleurs analogues, complémentaires directes ou indirectes et trouver de belles harmonies.
Revenons à la peinture.
Comment mettre en pratique la théorie des couleurs en peinture?
Donc, comme je vous le disais, la meilleure façon de comprendre et d’apprivoiser la théorie, c’est grâce à des exercices : vous vous référez à la théorie pour vous lancer des défis et mieux comprendre comment cette théorie des couleurs peut vous aider dans vos toiles.
L’avantage avec cette approche, c’est que les exercices n’ont pas besoin d’être en peinture : en observant un paysage, en prenant des photos, et même en choisissant votre linge le matin, vous exercez votre œil à maîtriser la théorie des couleurs! Chaque instant est un moment d’apprentissage et d’intégration de cette théorie des couleurs.
Exemple de photo de couleurs analogues, avec un côté créatif – ©LiliFlore, reproduction interdite
Alors oui, vous pourriez aussi vous référez à la théorie des couleurs lorsque vous peignez, mais cela risque de vous « déconnecter » du plaisir de peindre, et de vous mettre dans une phase très logique et analytique qui n’est pas toujours en accord avec la bulle de bonheur simple que l’on cherche à se créer lorsque l’on peint.
Voici le processus que j’aime utiliser dans ma propre pratique artistique :
- Je me lance des défis par période pour apprendre à maîtriser un nouvel aspect de la théorie en peinture (par exemple, les couleurs complémentaires orange et bleu);
- J’observe dans la nature, dans des photos de nature, ou de maison… comment est traitée cette notion;
- Je fais des tests, des essais, des exercices sans aucune valeur esthétique. Sur papier cartonné ou sur papier toilé. Je m’amuse, j’expérimente. Pas forcément en peinture: je peux utiliser des crayons, de l’aquarelle, des pastels…
- Il est temps de passer enfin sur mes toiles et lorsque je peins, je ne pense pas à la théorie dans un premier temps;
- Je fais une pause, je recule et pense à la théorie seulement à ce moment-là. Je prends alors des décisions pour faire des changements et je me donne une « consigne » pour la suite (par exemple, ajouter du bleu);
- Lorsque je retourne à ma toile, je ne pense plus à la théorie, je reste simplement connectée à la consigne que je me suis donnée;
- Et je recommence…
Voilà comment j’apprends à connaître la théorie. À vous de développer vos propres trucs en essayant plusieurs techniques. Lire sur les processus artistiques d’autres peintres peut vous aider.
Mais rappelez-vous, au début de cet article, à la question « est-ce important », j’ai dit oui et non. On a parlé du « oui », parlons maintenant du « non, ce n’est pas si important ». Un peu contradictoire je sais, mais j’aime dire que dans la vie, rien n’est tout noir ou tout blanc (ben oui, il y a des couleurs, hihi!).
Pourquoi n’est-ce pas si important de connaître la théorie des couleurs?
Et bien, reprenons l’analogie de la joueuse de tennis.
Une joueuse débutante va devoir apprendre certaines choses de base en s’exerçant, mais il va aussi falloir qu’elle joue parfois sans trop penser : non seulement cela va lui permettre de développer son intuition (certains joueurs donnent l’impression d’être toujours placé au bon endroit au bon moment, comme s’ils savaient où le joueur adverse allait lancer la balle) mais aussi cela va lui permettre de développer ses propres trucs. En effet, si la joueuse ne fait que répéter ce que son entraineur lui explique, au mieux elle jouera exactement comme lui, mais pas mieux. Et on veut que l’élève trouve son style, voire dépasse son maître!
Pour cela, il est important de se garder des moments où la théorie n’a plus d’importance et où seule l’intuition, les essais-erreurs, la pratique, le jeu et la découverte sont mis de l’avant.
Car c’est là que votre style montrera le bout de son nez…
L’Heure du Loup – ©LiliFlore, reproduction interdite
Redonner de la place à sa créativité
En effet, être très bonne techniquement et maîtriser les outils fera de vous une excellente technicienne, une excellente artisane, mais ne fera pas de vous une bonne artiste…
Une artiste qui est remplie d’intuition et qui fait vivre des émotions aux gens grâce à ses œuvres sera plus « artiste » que toute technicienne en peinture! Même si l’artiste a encore des progrès à faire en technique!
L’art, ce n’est pas seulement une technique, je ne cesse de le répéter. Il est donc primordial de donner de l’importance à la pratique de votre créativité, à développer votre imagination et à écouter votre intuition! Car c’est cela qui fera de vous une artiste. Et non la théorie, même si parfaitement maîtrisée.
Alors pourquoi les personnes intéressées à faire de la peinture ne donnent que de la place à la technique et à la théorie? Erreur d’après moi.
Quelle est la bonne attitude face à la théorie des couleurs?
D’après moi, il est aussi important d’apprendre à jongler entre théorie et pratique que d’osciller entre technique et créativité.
Avoir du matériel varié nous aide à expérimenter et développer notre créativité – source: Pixabay
La théorie, c’est une boîte à outils dans laquelle je viens puiser lorsque je suis bloquée ou que je tourne en rond. Mais sinon, je préfère suivre mon intuition.
La théorie, je la pratique en expérimentant et en m’amusant, pas en l’apprenant par coeur.
Et finalement, j’aime répéter cette citation :
« Apprends les règles comme un professionnel pour pourvoir les briser comme un artiste ». – Pablo Picasso
Alors non, ce n’est pas important de toujours suivre la théorie, car c’est justement cela qui donnera de la saveur à vos œuvres.
Conclusion: à quel point la théorie des couleurs est-elle importante?
Alors comme j’ai répondu « oui et non » à la question de l’importance de la théorie des couleurs, cela peut être un peu mélangeant comme discours. Je vous résume donc ma réponse comme suit:
- il est important de s’intéresser à la théorie des couleurs pour remplir votre « boîte à outils » en peinture;
- il est également important de savoir vous débrouiller avec ce que vous savez présentement ( = ce qui est dans votre « boîte à outils »). Même si ce n’est pas beaucoup, c’est mieux que de passer trop de temps à augmenter vos connaissances sans jamais utiliser les outils que vous avez déjà…
Bref, l’équilibre, comme toujours, vous permettra de progresser en peinture. Et comme la pratique est irremplaçable, je finirai par cette phrase:
Allez zou, à vos pinceaux!
Ne vous laissez pas enfermer par la théorie, mais ne la boudez pas non plus 🙂
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Bonne peinture à toutes et à tous…
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